26.1.07

De la réalité au rêve




Tous les hommes politiques mentent. C'est un fait. Pour être élu et promouvoir ses idées, il faut de la démagogie, des solutions toutes faites, des promesses, du vent. C'est normal. Mais point trop n'en faut.

J'ai relu ce matin une interview de Ségolène Royal sur RMC par Jean-Jacques Bourdin, le 8 novembre dernier. Un point retient mon attention, lors des questions d'auditeurs :

Jean-Jacques BOURDIN
Régularisation des sans-papiers, oui ou non, vous demande Philippe ?

Ségolène ROYAL
(...) la meilleure façon de lutter contre l’immigration clandestine c’est d’assurer le développement des pays d’origine. Je suis allée récemment au Sénégal, d’où partent les jeunes qui se noient en pirogue, rencontrer les mamans, il y avait là une centaine de femmes qui toutes avaient perdu un enfant dans cette immigration de la misère. Et elles demandaient des moyens très simples, pour pouvoir faire du développement économique, de l’agriculture, de la pêche, du sport, enfin tout était demandé, il n’y avait rien. Je me demandais où passait l’argent de l’aide au développement. Et donc je veux réformer en profondeur, l’aide au développement pour qu’il aille directement aux gens qui en ont besoin, en contournant là aussi, les filières administratives, les pesanteurs, dans certains pays, la corruption, qui détourne l’aide au développement. Il faut vraiment s’appuyer, en particulier sur les femmes, je crois que si on s’appuyait beaucoup plus sur les femmes, notamment dans les pays africains. Je crois que l’argent serait bien utilisé, parce que ce qu’elles ont envie, c’est que leurs enfants soient bien élevés, bien éduqués, et qu’ils trouvent dans leur pays à s’épanouir et à trouver des activités et des emplois.

Cette déclaration peut paraître juste et bonne. Elle rejoint d'ailleurs les positions de l'ultra-libéral Paul Wolfowitz, nommé par Georges Bush à la tête de la Banque Mondiale et surnommé "le faucon de Washington".

Mais outre la partie larmoyante sur les femmes qui ont perdu un enfant, cette idée de "réforme en profondeur" est purement utopique. Le continent africain, que je connais beaucoup mieux que Ségolène Royal, pour y avoir vécu plusieurs années, souffre de maux profonds dont une simple réforme franco-française ne peut venir à bout.

Il s'agit d'un délicat équilibre politique et économique, dont la France n'est pas le seul partenaire. Dans le cas du Sénégal, le président Abdoulaye Wade négocie depuis plusieurs années avec les USA, la Chine et le Maroc qui lui ont octroyé des subsides et des aides de belle ampleur. Il est donc faux de prétendre qu'il n'y a rien, et quel que soient les échecs ou les insuccès de la politique de Wade, c'est une politique qui avance.

Le rôle de la France en Afrique baisse de jour en jour, et après tout pourquoi pas ? Mais dans ces conditions, aucun gouvernement français ne peut modifier l'aide au développement, s'il s'agit de court-circuiter les instances, les administrations locales et l'autorité souveraine des pays concernés. Pour être pauvres, les Africains n'en sont pas moins fiers, quand aux mécanismes de l'aide publique française au développement, ils ne sont pas si simples. Loin de là.

Dans un document passionnant paru en 2006, trois spécialistes de la question ont étudié les carences de l'aide française, et proposé des moyens d'y remédier. Mamdame Royal devrait lire cet ouvrage plutôt que de pilonner des thèses inapplicable sur un sujet qu'elle méconnaît. De plus, prétendre que la solution vient des femmes, dans des pays ou elles sont encore bien souvent considérées comme inférieures à l'homme, c'est irréaliste et probablement dangeureux pour elles.

Tout cela relève de la démagogie et du simplisme.

Laissons l'Afrique comme elle mérite d'être, debout et face à l'avenir, et répondons aux questions de l'immigration et de l'aide par des méthodes concertées avec les gouvernements en place et les ONG.

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