19.5.07

Difficiles questions protocolaires

Alain Juppé vient d'être nommé ministre. D'Etat. Cette appelation est avant tout protocolaire et signifie qu'il vient en second après le premier ministre.

Et puis, ça fait tout de même plus joli, avec un petit côté Louis XIV. On imagine le journaliste : "Monsieur le ministre d'Etat, que pensez-vous de telle situation? ". Il n'y a pas à dire, ça fait sérieux.

Mais une question se pose : le protocole prévoit que les anciens premiers ministres passent avant les ministres d'Etat. Or, Alain Juppé est ancien premier ministre. Alain passe-t-il avant Juppé, ou vice-versa ?

Situation amusante. D'autant que Juppé a été Premier Ministre, et avait pour ministre des Technologies de l'information et de la Poste, un certain François Fillon, aujourd'hui premier ministre tandis que lui-même n'est plus que ministre. Ah, oui, d'Etat, tout de même. Néanmoins, on suppose qu'il faut une certaine dose d'humilité pour accepter de travailler pour un ancien subalterne.

D'expérience, c'est une situation difficile à vivre, et qui suppose que l'ancien supérieur soit vraiment un être humain capable de s'affranchir des apparences. Juppé a déjà accepté ce poste, c'est donc qu'il s'y sent prêt.

17.5.07

Que vaut François Fillon ?


Le premier premier ministre de Nicolas Sarkozy n'est pas fabuleusement connu. Il a l'air un peu fatigué et donne l'impression de travailler beaucoup.
Sur son blog, on apprend qu'il aime la course automobile : en juillet 2006, il s'est classé 5ème au "Mans Classic" sur Alpine A220, parcourant 33 tours du circuit mythique. Il cite Jaurès, cela devient une habitude.
Mais François Hollande ne l'aime guère, qui déclare "François Fillon est tout sauf un homme neuf. Il a déjà exercé de multiples responsabilités ministérielles depuis 1993" et "à chaque fois, sa gestion a été émaillée de nombreux conflits et de retraits douloureux, notamment la réforme du bac sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin".
Qu'en est-il ?
En 1981, à 27 ans, il est élu député de la Sarthe. Réélu constamment jusqu'en 2005, date à laquelle il est devenu Sénateur, après avoir été ministre dans les gouvernements de Balladur, de Raffarin, de Juppé.
D'après ce qu'on peut lire ici et là, il est réputé pour son goût du consensus : il aime bien réunir les partenaires sociaux, comme Ségolène, pour discuter avec eux. Mais lorsqu'il faut trancher, il tranche. D'ailleurs, il ne mâche pas toujours ses mots, comme en témoigne ce vif échange en octobre 2003 au Sénat :

M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le sénateur, vous avez raison de dire que cet accord est historique (Eh oui ! sur les travées de l'UMP.) C'est d'abord un accord qui montre que le dialogue social est une réalité dans notre pays depuis que Jean-Pierre Raffarin dirige le Gouvernement. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

Les ricanements sur les travées de gauche sont particulièrement malvenus quand on fait le bilan des accords qui ont été signés pendant les cinq dernières années ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

On nous promettait une rentrée sociale brûlante. A la place, nous avons un accord historique sur la formation professionnelle, des négociations sur les restructurations...

M. Roland Muzeau. Vous avez oublié le mois de juin !

M. François Fillon, ministre. ... et une discussion qui s'ouvre sur les conditions de modernisation de la démocratie sociale, sujet qui n'a pas été abordé dans notre pays depuis les années soixante !

M. Jacques Mahéas. Et la presse qui ne paraît pas aujourd'hui.

M. François Fillon, ministre. L'accord qui vient d'être signé permet de poser les bases d'un véritable droit individuel à la formation professionnelle.

M. René-Pierre Signé. Il ne crée pas d'emplois !

M. François Fillon, ministre. Vous, vous ne perdez vraiment jamais une occasion de vous taire ! (M. Claude Estier proteste.)

Que peut-on en conclure ? A vrai dire, pas grand-chose.

15.5.07

Droite et gauche, pas le même combat ?



Continuant ma discussion avec ce camarade très au fait des choses politiques et autoproclamé "de gauche", j'en viens à apprécier son argumentation. Si, si. Comme le disait un de mes amis, "ce qui est bien avec toi, c'est que tu n'hésites pas à changer d'avis quand on te présente des arguments valides". Même si je ne suis pas certain que ce soit véritablement un compliment...

Mon camarade, donc, m'indique que le concept de différenciation gauche / droite n'est pas un principe idéologique destiné à cloisonner la vie politique, mais un simple classification.

Il ajoute, et c'est là que sa pensée me paraît intéressante, que "historiquement, les oppositions sur le rôle de l'état ou la liberté des marchés ne sont pas des marqueurs droite / gauche", c'est à dire que ce ne sont pas l'interventionnisme d'un gouvernement ou sa pratique du libéralisme qui permettent de le placer d'un côté ou de l'autre. L'argument sous-jacent - et développé ailleurs dans un échange que je ne citerai pas ici- étant que l'économie de marché est une réalité, mais que le néo-libéralisme sans barrières conduit à un creusement des inégalités. On en conclut qu'il faut une économie de marché, qui soit régulée par l'Etat pour éviter les débordements inévitables dûs à la nature humaine.

Bref. Qu'est-ce qui fait la différence entre la gauche et la droite, alors ?

Mon interlocuteur répond que la différenciation droite / gauche est historiquement liée à l'axe conservateur / progressiste et date du 18ème siècle. Elle se fonde selon lui sur la notion de progrès social, qui est certes imprécise mais fonctionne tout de même assez bien.

Toujours selon lui, le progrés social au 18 ème siècle, c'était la lutte contre les privilèges. Au 19 ème c'était la lutte contre le capitalisme de rente et les inégalités de droit. Au 20è siècle c'était la lutte pour les droits sociaux (retraite, sécu...) et l'égalité des chances. "non que ça ait forcément réussi" ajoute-t-il, lucide. Et de terminer en indiquant "le progrès social au 21è siècle, qu'est-ce que c'est ? A nous de l'inventer."

J'avoue que je ne peux qu'être d'accord. Tout cela me paraît fort bien. Je ne peux d'ailleurs qu'être pour le progrès social.

Ni droite, ni gauche. Nous sommes finalement tous des démocrates sociaux, sans le savoir.

11.5.07

Pensées uniques


Discussion autour du thème droite/gauche avec un camarade qui se définit comme "de gauche".

Moi qui ne me sens d'aucun bord, qui croit à l'économie de marché avec un certaine dose de régulation pour éviter les dérapages, qui recherche le progrès social pas seulement pour les Français, mais pour l'humanité entière, je vois soudain pointer sur moi un index accusateur. On me dit que je suis de droite, que je suis un néo-libéral.

Une bête ignoble.

J'avoue que je suis ennuyé.

Mais mon contradicteur ne s'arrête pas là. Lorsque je lui demande ce que cela signifie, être de gauche, il répond que tous les progrès sociaux, de toutes les époques, ont été des combats de gauche. De la lutte contre l'esclavage au droit de vote des femmes en passant par l'abolition de la peine de mort, tout cela reste l'apanage de la gauche.

Il me semble pourtant que les artisans de l'abolition de l'esclavage étaient avant tout marquis, chevaliers ou prêtres, c'est à dire plutôt des nantis que des ouvriers, plutôt des riches que des défavorisés. Bien sûr, les esclaves eux-même étaient contre l'esclavage, mais ce sont bien des bourgeois, osons le mot, qui ont su se mobiliser pour abolir l'infâmie. Etaient-ils de gauche ? Peut-on être de gauche et porter le titre de marquis ?

Je sais bien, par exemple, qu'il n'est pas nécessaire d'être pauvre et opprimé pour être de gauche. On se souvient de Jean-Baptiste Doumenc, surnommé le milliardaire rouge parce qu'il était communiste et riche, on a glosé durant la campagne sur la fortune personnelle du couple Hollande-Royal. Que l'internationale socialiste, j'en ai parlé ici, considère comme des bourgeois. Et jusqu'à mon contradicteur de gauche, largement plus fortuné que moi.

Mais parce qu'on croit que les mécanismes naturels du marché, encadrés par un état attentif pour éviter les dérapages, sont les seuls à pouvoir fonctionner, parce qu'on pense que le libéralisme bien compris est la seule voie possible d'évolution économique, est-ce que cela fait de vous un néolibéral de droite ? De surcroît, incapable de se mobiliser pour le progrès social, pour les combats cités plus haut ?

Il semble que oui. J'ai donc appris ce jour que j'étais un ignoble capitaliste incapable de m'émouvoir et d'agir pour les autres. Une bien triste journée.

Sauf que ces combats sont les miens autant que celui de la gauche. Je lutte contre le racisme, contre le machisme, contre les abus de pouvoir, mais je ne suis pas de gauche. Je crois en l'économie de marché, mais je ne suis pas nationaliste, capitaliste, et j'ai souvent agi concrètement pour l'opprimé ou les bas salaires. Ce qui m'a valu, dans une entreprise, d'être licencié : je privilégiais trop les travailleurs.

Bref, je ne sais toujours pas ce que cela veut dire, être de gauche. Et pour tout dire, cette distinction entre droite et gauche me paraît impalpable. Je ne vois, autour de moi, quasiment que des bourgeois plus ou moins petits, préoccupés par leur nombril et leur satisfaction matérielle. Lorsqu'ils l'assument, et c'est bien, ils se disent de droite. Lorsqu'ils ne l'assument pas, et je le regrette, ils se disent de gauche.

C'est avant tout une question de confort intellectuel.

9.5.07

Gauche ou droite ?

Un ami concerné par la chose politique m'envoie un mail qui se termine par ces mots :
"
C'est un juste combat de gauche que de vouloir assurer la sécurité matérielle de l'ensemble de l'humanité dans la perspective d'un développement durable. C'est également un juste combat de gauche que d'affirmer qu'une fois la sécurité matérielle assurée, le bonheur de l'homme se situe avant tout dans la richesse de ses échanges sociaux."

Cette phrase m'a fait sursauter (c'est tout de même plus élégant que de bondir). Et attire les commentaires ci-dessous.

Je ne vois pas l'utilité de rajouter "de gauche". Je pense pour ma part que c'est un juste combat pour l'homme tout simplement que de vouloir assurer la sécurité matérielle de l'ensemble de l'humanité dans la perspective d'un développement durable, je pense aussi que c'est un juste combat pour l'homme que d'affirmer qu'une fois la sécurité matérielle assurée, le bonheur de l'homme se situe avant tout dans la richesse de ses échanges sociaux.

Pour être tout à fait sincère, la notion "de droite", aisément assimilée soit à "grand capitalisme prédateur" soit à "conservateur réactionnaire et nationaliste" et la notion de gauche assimilée à "socialiste humaniste" voire à "fainéant assisté" me paraissent toutes deux sans objet, mais elles ont pour conséquence regrettable d'établir des cloisons artificielles entre les hommes.

Je pense qu'il existe une alternative à cette pensée dichotomique ( dont la psychologie nous dit qu'elle consiste à percevoir les situations à partir de catégories mutuellement exclusives sans aucune nuance entre les deux) et que cette alternative consiste, précisément, à évaluer les différentes zones de gris qui existent entre le blanc et le noir, pour se tracer une ligne de conduite mesurée et nuancée.

Les combats cités, que je partage, ne sont pas selon moi l'apanage de la gauche. Le libéralisme n'est pas l'apanage de la droite. D'ailleurs, les radicaux et les socialistes ont longtemps été libéraux. Lisez donc cet article daté de 2002 sur http://www.istravail.com/article89.html , qui donne une lecture ou un rafraîchissement utile. Je vous en livre ci-dessous un extrait, mais à mon humble avis l'ensemble vaut le détour :

"Vérité au delà de 1936, erreur en deçà : jusqu’en 1936, la gauche a été libérale, elle l’a été en matière politique et elle l’a été en matière économique. Les radicaux ont bataillé farouchement pour empêcher les socialistes d’introduire la nationalisation dans le programme du Front populaire et il est vraisemblable que, même sans l’aide des communistes, ils y seraient également parvenus, car ils en faisaient une condition sine qua non du contrat électoral qu’on les invitait de conclure avec la SFIO et le PCF.

Toute la politique sociale de la Troisième République, depuis la loi syndicale de 1884 jusqu’à celles des assurances sociales en 1928-1930, des allocations familiales en 1932 a été l’œuvre de gouvernements et de majorités se réclamant de l’économie libérale, ceux qui ont mis le point final aux lois sur les assurances nationales, étant d’ailleurs des libéraux de droite puisqu’ils avaient pour nom Raymond Poincaré et André Tardieu, Pierre Laval aussi, même si son nom n’est pas aussi démonstratif, puisqu’il avait fait ses premières classes politiques dans le syndicalisme révolutionnaire et qu’il avait même été un temps l’avocat de la CGT. "


Je ne me sens donc pas de gauche, mais je suis concerné par le sort des autres, et pas exclusivement à l'intérieur de nos frontières, raison pour laquelle je me suis heurté la semaine dernière à mon beau-frère "de gauche" qui estimait que les délocalisations sont un scandale et qu'il faudrait réinstaurer le protectionnisme. C'est pour moi une pensée réactionnaire et conservatrice, qui montre surtout une grande méconnaissance des mécanismes économiques mondiaux.

Le même beau-frère en parlant des "patrons" y allait largement en les mettant tous dans un même sac, celui d'EADS qui a touché des millions d'euros en golden parachute, en tête, devant les patrons de PME, tous des ordures de capitalistes bien entendu. Tiens, un chiffre pour la route : saviez-vous que chez Renault, les voitures, 62 % des salariés sont situés à l'étranger ? C'est scandaleux, sauf que l'ancienne régie réalise aussi 66% de son chiffre d'affaires à l'international. Bien sûr, les même généralisations hâtives se retrouvent "à droite" avec tous les assistés et les fainéants qui ne veulent pas travailler. Tout ça, maintenant que j'y pense, c'est la faute à l'euro.

Mais je ne me sens pas de droite non plus. La poursuite du profit, l'enrichissement ad nauseam ne m'inspirent pas grand-chose, si ce n'est de rejoindre Marx et l'internationale socialiste qui les décrivent comme des "idéaux petit-bourgeois". Que de petit-bourgeois autour de nous, et même en nous !

27.4.07

Et le second tour ?

Les jeux étant faits pour le premier tour, tous les électeurs se projettent sur la suite, et chacun de comparer les programmes et les discours de deux candidats restant en lice.

Parmi ceux qui ont voté pour François Bayrou, une grande partie retourneront à leur famille politique : les centre gauche, à gauche, les centre droit côté Sarkozy.

Un assez grand nombre pourrait voter blanc, dans la continuité de leur premier vote, déclarant ainsi qu'aucun des deux candidats en lice ne leur convient.

Cela pourrait bien être une erreur. Le vote blanc n'étant comptabilisé que dans un but informatif, et non considéré comme un suffrage exprimé, cela revient à ne pas voter, c'est-à-dire à laisser le choix aux autres électeurs.

Ce serait tout de même dommage.

C'est pourquoi je voterai pour un des deux candidats présents au second tour. Si j'ai voté Bayrou, c'est parce que sa manière de faire de la politique un bien commun m'a paru plus convaincante que celle des autres candidats. Certains partisans de Bayrou sont séduits par le personnage, par son programme. J'ai pour ma part été plus séduit par sa manière de concevoir la politique, à contre-courant de ce clivage gauche-droite aussi perpétuel que néfaste.

Combien de militants de gauche ai-je rencontré, qui ont des préoccupations dite "de droite" sans le savoir, même au chômage, même smicards ? Des quantités.

Combien de partisans de droite ai-je rencontrés, qui manifestent de l'empathie et de la compassion pour les autres, et qui n'hésitent pas à agir pour les autres ? Des quantités.

Les révolutionnaires troskystes, les grands patrons aux parachute doré, j'en ai rencontré aussi, mais fort peu. Aucune statistique précise, mais ils me paraissent une infime minorité.

Dans leur majorité, les citoyens de ce pays font passer avant tout leur intérêt personnel - c'est une attitude de droite- mais ne négligent pas pour autant l'intérêt général - c'est une attitude de gauche.

En dehors d'une minorité, il n'y a donc pas de grands blocs antagonistes comme certains voudraient le faire croire. Parmi mes voisin, mes amis, il y a des électeurs de tous bords, employés, professions libérales, ouvriers, entrepreneurs : tous se ressemblent diablement.

Pour le second tour, ceux qui ont voté Bayrou au premier tour choisiront donc le candidat qu'ils préfèrent, ou celui qui leur paraît le moins mauvais.

Mais ce qui compte le plus, c'est la suite. L'annonce de la création d'un nouveau parti démocrate est une très bonne nouvelle, car l'UDF possède un héritage de droite, c'est indéniable. Or ce qui est utile pour nous tous c'est une envie commune d'avancer, un travail d'équipe, un rassemblement des idées fussent-elles divergentes, et des énergies convergentes, pour aider ce pays à avancer, et participer à travers lui à l'évolution du monde. Une envie commune d'avancer, ensemble, en dehors de toute connotation gauche-droite. Une envie que ce Parti Démocrate peut concrétiser, si les électeurs le veulent.

C'est pourquoi les législatives sont bien plus importantes que le second tour. Si les électeurs s'en mêlent, ces prochaines élections permettront peut-être de créer au sein de l'Assemblée Nationale, un contre-pouvoir véritable, préoccupé par les idées et non par les partis. Un contre-pouvoir qui votera pour les bons projets et contre les mauvais, de quelque bord qu'ils viennent. Un contre-pouvoir qui sera l'expression de cette volonté commune d'avancer, ensemble.

Bon vote !

12.3.07

Les bonnes idées du père François

"The economist", le très réputé hebdomadaire anglais à diffusion internationale, s'est penché sur le cas Bayrou à plusieurs reprises ces derniers temps. Voici l'interview que cet excellent journal a publiée voici quinze jours, et qui a le mérite de poser quelques questions très directes hors de la sphère franco-française à François Bayrou. Le texte est émaillé de petites erreurs de trancription, mais il reste parfaitement compréhensible.

François Bayrou: La France, c'est un projet de société. Si vous regardez la devise de la France: liberté, égalité, fraternité, cette devise diffère de toutes les autres devises de tous les autres pays de la planète. Les devises normales, c'est toujours, le Pays: "E Pluribus unum", ou bien Dieu: "In God We Trust". Tous les pays du monde sont autour de ce schéma, pas la France. La France, elle propose - liberté, égalité, fraternité - un projet de société, fondé sur trois valeurs morales: un vocation universel. Et si on comprend pas que ceci est la carte d'identité de la France, que cette recherche d'un projet de société c‚est le point commun des Français, on comprend pas notre histoire.

Alors, qu'est-ce que ca veut dire? Au fond les Français, et je pense comme eux, ont l'impression qu'il y a deux modèles de société dans le monde occidentale, je ne parle pas du monde orientale. Le modèle fondé sur la loi du plus fort (et la loi du plus fort c'est aujourd'hui evidemment la loi de l'argent) et le modèle de société qui revendique d'être fondé sur la loi du plus juste. C‚est pourquoi, en France, vous n'avez pas, pour prendre un exemple, des universités payantes concurrentielles.

[Q Ce qui serait très choquant?]

A: Les universités payantes? Vous rendez compte du prix des universités américaines, je ne sais pas exactement quels sont les prix, combien pour les plus grandes universités - 50,000 dollars? Ca n'existe pas, et c'est un projet qui ne serait pas accepté par la France, et par aucun president, d‚ailleurs.

[Q: Mais il y avait une étude de l'université de Jiaotong, à Shanghai, qui classait peu d'universités française sentre les meilleurs du monde? Et les universités américaines produisent pas mal de prix Nobels]

A: D‚abord, nous produisons autant de prix Nobels et de medailles Field que les autres, ensuite, sur les classements là, ce sont les critères qui sont en question. Mais, qu‚il y a une crise profonde de l‚éducation nationale, il n‚y a aucun doute. Nous reconstruirons l‚éducation nationale a partir du modèle français, et pas à partir du modèle américain. C‚est le modèle français que les Français demandent de reconstruire. Et ce qui est étonnant, c‚est que vous ne rendiez pas compte qu‚il y a cette recherche d‚un projet de société différent du projet de société américain. Je lisais une étude qui sortait hier, sur la creusement des inégalités aux Etats-Unis, le fossé entre les riches et les pauvres c‚est considérablement approfondi.

[Q: Et les émeutes dans les banlieues?]

A: C‚est parce que quelque chose marche mal, que ma candidature est entendue par les Français. Si ça allait bien, si les résultats obtenus ces dernières années étaient les résultats justes, tout le monde choisirait le candidat du gouvernement sortant. Sarkozy, c‚est le candidat du gouvernement en place. Les Français n‚en veulent pas, ils ne veulent non plus le retour du Parti Socialiste. Il faut que vous compreniez qu‚un autre élément de cette affaire, c‚est la position qui était celle du Président de la République Jacques Chirac pendant la guerre en Irak. C‚est le meme sujet. Cette position a été massivement soutenu par les Français, y compris par moi, qui suis pourtant a la tête d‚une mouvement dont la tradition est une tradition Atlantiste. Et aujourd‚hui, tous les Français se félicitent de la position qui était prise. A l‚époque, dans mon parti, il y eu des gens qui ont dit, tu devrais soutenir Bush, et je suis monté à la tribune de l‚Assemblée nationale pour soutenir Jacques Chirac. C‚est la même histoire, c‚est le même sujet. Parce que la loi du plus fort ne règle pas les problèmes du peuple.

[Q: et l‚Iran? Un Président Bayrou soutiendrait des actions militaires?]

A: Les démocraties doivent être solidaires, et en même temps, la force doit être l‚ultime recours. On ne doit pas se servir de la force de première intention.

[Q: Mais, la force doit rester une possibilité? Chirac vient de demander si c‚est vraiement si dangereux pour l‚Iran d‚avoir deux ou trois bombes nucleaires. Partagez-vous cet opinion?]

A: Ce n‚est pas exactement ce qui‚il a dit. J‚ai lu, y compris ce qui n‚etait pas publié par la presse anglo-saxonne* Il a dit, si j‚ai bien compris son citation, la menace nucléaire en Iran, elle n‚est pas tant militaire, qu‚un signal donné a la prolifération. C‚est ça qu‚il a dit. Et moi, en tout cas, je dis, l‚accession de l‚Iran a la bombe nucléaire, est inacceptable pour les démocraties, et donc le processus est un processus de sanctions croissantes - sur lesquelles pour l‚instant il n‚y a pas d‚accord, on arrive pas à trouver un accord sur le processus de sanctions croissantes. Et la ligne c‚est: vous avez droit à la nucléaire civile, vous n‚avez pas droit à la nucléaire militaire, c‚est ce que vous avez signé. Il y a, au sein de la société iranienne des mouvements qui sont des mouvements de réticences aux decisions les plus excessives de Ahmadinejad et son clan, et il est très important de s‚appuyer sur ces mouvements là.

[Q: Vous faites une diagnostique assez sevère des problèmes de la France, mais vous ne recommandez pas un traitement de choc.]

A: Ce que vous appelez traitement de choc, c‚est un modèle de société que la France ne veut pas. Le modèle de société qui se fonde sur l‚acceptation et le creusement des inégalités - au fond c‚est ça, hein? Où on considère que, au fond, l‚inégalité est créatrice, que l‚inégalité est un booster. Ce modèle-là, la France n‚en veut pas, et selon moi, une grande partie du monde n‚en veut pas. Nous, nous voulons un modèle - j‚ai utilisé le mot social-économie - qui est un modèle d‚économie performante dans une société juste, dans une société solidaire.

[Q: Vous dites que vous voulez encourager les entrepreneurs, mais vous critiquez le CPE.]

A: Excusez-moi, ce que j‚ai critiqué - c‚est en cela que vous ne voyez pas bien la société française - ce que j‚ai critiqué, c‚est qu‚on puisse renvoyer un jeune, ou d‚ailleurs un vieux c‚est pareil, sans explication. Alors, peut-être ca vous paraît bien, pour nous les Français c‚est extrêmement choquant. On considère que le contrat de travail, est un contrat équitable, "fair". Donc, quand on dit a quelqu‚un, on vous renvoie, on est obligé de dire pourquoi.

[Q: Et si la raison c‚est qu‚un jeune a une mauvaise attitude, ou les clients ne l‚aiment pas, ça suffirait?]

A: Non, il faut l‚explication. Il faut considérer que les jeunes salariés sont des personnes respectables. Vous savez que je propose pour les petites enterprises de créer deux emplois sans charges sociales?

[Q: Oui. Mais pour vous il y un lien entre flexibilité et chômage?]

A: Aujourd‚hui, tout le monde en France considère que flexi-sécurité c‚est la voie à suivre. Tous les syndicats le pensent, le patronat le pense, et si je suis élu Président de la République, je demanderai aux syndicats, et au patronat, de faire des propositions concrètes sur ce sujet. Il y a l‚exemple danois, il y a l‚exemple suedois, enfin les pays scandinaves qui ont progressé dans cette voie.

[Q: Sarkozy à Londres, a visité un centre de réinsertion pour les chômeurs britanniques. Est-ce que la Grande Bretagne a des leçons pour la France?]

A: Il y a des leçons à prendre absolument partout. Mais on ne recopiera pas en France le modèle britannique, pas plus qu‚on recopiera pas en Grande Bretagne le modèle français. Les pays ont leurs visions et leurs valeurs.

[Q: Est-ce que les Français comprennent bien que des grandes sociétés françaises ont des très grandes succès en ce qui concerne le commerce mondial?]

A: Il faut que vous compreniez ceci. Les Français comprennent très bien le monde de la compétion dans lequel on est entré. Ils savent très bien que cette compétition, ça serait désormais la loi. Mais, ils ne veulent pas abandonner leur projet de société pour autant. Et moi, je propose qu‚on regarde en face cette double nécessité: oui nous avons besoin de compétition, mais oui, nous voulons sauver notre modèle de société. Sauver, rénover, reconstruire, porter vers l‚avenir notre modèle de société.

Et je vous dis que c‚est un atout, la tradition, la force de la main-d‚oeuvre francaise que tout le monde signalle, quand Toyota vient s‚installer en France, ils disent que c‚est l‚usine la plus performante de tout le groupe dans le monde. Pourquoi? Parce que nous avons une main-d‚oeuvre très bien formée. Ce niveau de formation des Français, l‚adaptabilité des Français, c‚est le résultat du modèle de société que est le nôtre.

Et alors, oui, on n‚est pas les seuls, hein? Les problèmes de banlieue vous en avez, hein, et qui ne sont pas minces. Oui, on a des problèmes de banlieue très importants, parce qu‚on a laissé se faire une urbanisme qui est une urbanisme de rélégation, de ségrégation. Et donc on a besoin de rebatir des quartiers entiers, et pas seulement de rebatir du point de vue des batiments, mais de rebatir du point de vue de la mixité de la population.

[Q: Pour terminer avec la mondialisation, vous avez parlé du taux du change chinois.]

A: Il y a des gens qui disent que le yuan chinois est en effet sous-évalué très gravement, il ya des chiffres qui circulent.

[Q: Vous avez dit 400% dans un interview]

A: 400 %, oui.

[Q: Et un Président Bayrou ferait quoi?]

A: Je dis qu‚il faut que l‚Europe se pose cette question. Comme vous savez, les Etats-Unis se la posent. Ils ne peuvent pas articuler de réponse, parce que les réserves en devises américaines des banques centrales, notamment chinoise, sont au dessus de mille milliards de dollars, et donc vous voyez bien les difficultés dans lequelles les Etats-Unis sont pour aborder cette question de l‚échange. Ils l‚abordent, ils en parlent, mais on est très loin d‚une action efficace.

[Q: Mais croyez-vous que Pékin va changer le taux du change?]

A: Non, je ne pense pas qu‚il le change, mais je pense que nous pouvons le faire une question de nos relations avec eux.

[Q: Vous croyez que le yuan est sous-évalué par 400 %, mais ce n‚est pas imaginable que les Chinois vont quadrupler les prix des leurs exportations?]

A: Je ne dis pas qu‚ils les quadrupleront, je dis qu‚il faut que l‚Europe unisse ses efforts avec les Etats-Unis. Les Etats-Unis, chaque fois qu‚ils rencontrent les dirigeants chinois, ils parlent du change. Comme vous le savez. Il y a au Congrès des Etats-Unis une mouvement puissante pour poser la question du change, avec Pékin. Je dis qu‚il faut que l‚Europe prenne sa part de cet effort. J‚ai des espoirs que l‚action conjugée de l‚Europe et des Etats-Unis pourra peut-etre etre entendue.

[Q: Mais est-ce que ça va sauver des usines européennes?]

A: Si vous estimez qu‚il n y a rien a faire... Moi, je considère que les dirigeants politiques ont comme responsabilité de faire respecter l‚équité des changes. Et quand on repère les éléments qui sont inéquitables, on a le devoir de les désigner, et, si on peut, d‚y apporter une réponse. Au moins de poser cette question de manière forte et répétée. Ce que, je dois dire, font les Américains.

[Q: M. de Villepin a proposé des tarifs environmentales contre la Chine]

A: Je dis en tout cas que c‚est une question qui se pose. On a le droit, n‚est-ce pas? Nous imposons à tous nos producteurs des normes environmentales sévères, on a raison. Mais on peut aussi se poser la question des normes qui sont imposés a nos fournisseurs. N‚est ce pas? Ou alors, on fait du commerce inéquitable.

[Q: Vous voulez qu‚on se pose la question au niveau européen?]

A: Au niveau européen.

[Q: Y-inclus un projet de loi?]

A: En tout cas, on peut mettre cette question sur l‚agenda de l‚Europe.

[Q: Vous soutiendrez des tarifs?]

A: Que l‚Europe pose la question, on verra la reponse. Mais qu‚au moins, elle pose la question de l‚équite du change. Tout le monde admet a juste titre, ou tout le monde voit bien, que la compétition peut se faire en particulier sur le social, sur le cout du travail. Et on considere en effet que les pays ont le droit de travailler dur pour attraper un niveau de vie. Mais ils n‚ont pas le droit de manquer un certain nombre de normes du point de vue de la santé, du point de vue de l‚environnement, et monnaie. On n‚a pas le droit de jouer sur une sous-évaluation chronique de leur monnaie. Là, on doit poser cette question avec eux. Vous voyez que c‚est une grande différence entre poser la question et ne pas poser la question. Quelles sont les réponses? Ni vous ni moi ne les connaissons aujourd‚hui. Les Etats-Unis ont posé la question depuis des années, et les ont pas trouvés pour le moment. Mais c‚est très important de poser la question.

[Q: Mais soutiendrez-vous des tarifs européens?]

A: Soyez gentil. Je n‚ai pas apporté les réponses. Mais je veux qu‚on pose la question. Les réponses doivent être concertés entre pays européens. Mais vous allez voir que toutes les sociéées européennes vont poser ce genre de question.

[Q: Vous parlez de la solidarité en face à la mondialisation, mais les consommateurs achètent des baskets fabriqués en Chine, à Carrefour. Ils achètent pas les chaussures fabriquées en France.]

A: Oui, mais excusez moi, ceci c‚est de la consommation. Moi, j‚ai parlé de la solidarité de la société, j‚ai pas parlé de protectionnisme.

[Q: Et la différence?]

A: La solidarité, c‚est de l‚éducation, c‚est la lutte contre l‚exclusion, c‚est en cas de chômage, la possibilité de former, de proposer un autre emploi. Bref, le sentiment de tous les Français qu‚on les abandonne pas. Que ce n‚est pas une société de la précarité croissante. Qu‚on accepte pas, ou qu‚on lutte contre la précarité croissante.

[Q: M Sarkozy a dit que le mot protéger ne lui fait pas peur. Il a parlé des préférences nationales et européennes.]

A: C‚est une déclaration de protectionisme. Je n‚ai jamais été protectionniste en esprit. Mais, on peut être pour un commerce "fair", un commerce loyal. Vous ne pouvez pas imposer a vos producteurs des règles que vous ne cherchez pas à faire respecter par vos fournisseurs.

[Q: Vous avez cité l‚Allemagne et l‚Italie comme exemples de gouvernements d‚union nationale. Un coalition, c‚est un atout?]

A: Il y a un atout majeure: c‚est que la France va devoir faire des réformes, et si vous n‚avez pas un gouvernement pluraliste, les citoyens considèrent que les réformes sont faites pour les raisons idéologiques. Exemple: vous avez l‚Allemagne devant vous. Le schéma Italien n‚est pas la même. Le schéma Italien est de coalitions entre des centres et des extrèmes, et c‚est un schéma instable. Le centre-droit est obligé de s‚allier avec des neo-fascistes, et le centre-gauche est obligé de s‚allier avec les radicaux. Et vous voyez que c‚est un schéma instable. Moi, je preconise une alliance stable. Alliance stable, c‚est l‚alliance des réformistes, je dis des républicains, pour faire des réformes. Et en Allemagne, en tout cas, les résultats sont là. Pour montrer que la société accepte des réformes, parce que, il lui est garanti que ces réformes ont l‚accord des grandes sensibilités démocratiques du pays.

[Q: C‚est une question de ne pas effrayer les Français?]

A: Ce n‚est pas du tout effrayer, ce n‚est pas du tout la question d‚effrayer. Les Français, ce sont un peuple qui n‚a pas peur, qui ont moins peur qu‚on le croit. En tout cas le jour où il aura un leadership qui lui permet de regarder les choses en face. Mais c‚est un peuple qui veut être garanti. Dans l‚idée que les choses sont justes. Garanti. Par exemple, il faut une réforme des retraites. Mais il veut pas accepter une réforme qui soit abusive. Il veut une réforme des retraites - vous savez que j‚ai dit que je la trancherai par référendum, de manière que les Français soient certains de la justesse, et de la justice, du choix qu‚on va leur proposer.

Les Français, ils ont une impression qu‚on leur faisait des promesses, et que chaque fois ces promesses étaient trahies. Il faut que vous souvenez que Jospin, en ‚97, c‚est pas vieux, c‚est il y 10 ans. Il s‚est fait élire, en disant qu‚il n‚accepterai le rôle sans un certain nombre de conditions. Et que, huit jours après son élection, il a - et heureusement à mes yeux - il a complètement abandonné ce schéma là. Et donc, les Français ont besoin.... Si c‚est un seul parti qui est au pouvoir, ce parti peut faire ce qu‚il veut. S‚ils ont besoin d‚avoir des accords bipartisans, qui leur garantissent que ce qu‚on leur a dit, on va le faire.

[Q: En 2002, pas mal entre ceux qui se méfiaient des grands partis ont voté Le Pen. Quelle différence en 2007?]

A: Parce que je suis là. Parce que je propose un autre chemin.

[Q: Est-ce que vous avez reçu le soutien des anciens électeurs de Le Pen?]

A: Les électeurs viennent de partout. De gauche, ils viennent de droite, ils viennent du centre.

[Q: Mais vous avez vu des études, je suppose]

A: Je ne crois pas beaucoup tout ça, ces études. Je pense qu‚il y avait dans l‚électorat français, une part très importante qui n‚y croyait plus, et ils se remettent à y croire. D‚où viennent-ils? De partout. Parce qu‚en realité ils cherchaient tous un changement qui leur permettent de montrer aux deux grands partis, grands entre guillemets, parce que ils sont pas très grands justement, aux deux "grands" partis que ils n‚avaient pas leur confiance.

Autour de Ségolène Royal, il y a ce qu‚on appelle les éléphants du Parti Socialiste. Le retour du vieux Socialisme avec Jospin et Fabius. C‚est ça l‚équipe de Ségolène Royal. Autour de Nicolas Sarkozy, il y a Raffarin et Juppé. Et vous voyez bien que les Français ne veulent pas de ça. Ils veulent d‚une démarche politique qui soit plus nouvelle et plus rénovatrice que ça. Il faut comprendre, la France n‚est pas un pays bipartisan - contrairement a ce qu‚on a voulu faire croire. La France ne veut pas d‚un pays qui n‚est que deux partis, avec deux états-majors qui gouvernent le pays. Je vous signalle qu‚aux Etats-Unis, où il y a deux partis, ce n‚est pas les états-majors qui gouvernent, parce qu‚il y a les primaires, ça change tout. Je n‚aime pas le système bipartisan, mais, au moins les primaires sont-elle là.

[Q: Souvent, en France, un troisième homme surgit, mais enfin ne gagne pas].

A: Il faut relire vos histories. En 1995, le troisième homme, c‚était Jacques Chirac. En 1974, le troisième homme, c‚est Giscard. Il se trouve que ça marche chaque fois, ou à peu près. Et donc, il vous va falloir vous habituer. Je suis desolé de troubler ainsi votre grille de lecture.

28.2.07

La route d'un homme seul


Nous en parlions dans le message précédent, la position de François Bayrou ne fait pas l'unanimité au sein de son parti. Le candidat à la présidentielle a manifestement choisi d'incarner une nouvelle donne politique, et cela constitue une rupture avec la ligne politique habituelle de l'UDF qui a toujours été, depuis sa création, un parti de droite modéré plutôt qu'un parti du centre. Certains députés en place actuellement avaient, par exemple, bénéficié d'un report des voix de l'UMP lors des dernières élections législatives. On peut concevoir qu'ils se sentent mal à l'aise avec la nouvelle position de Bayrou.

Parmi les défections enregistrées, on se souvient de celle de Gilles de Robien - dont l'action à la tête de l'Education Nationale paraît pourtant assez honorable- mais aussi de celles de Christian Blanc, ex pdg d'Air-France et d'André Santini, députés UDF goguenard et fumeur de cigares passé à la concurrence dont voici un extrait de l'annonce qu'il fit en passant à la concurrence UMP :

"Il est évident pour beaucoup que le Centre n’a jamais gagné sans la Droite et la Droite n’a jamais gagné sans le Centre. Parce que le socle électoral du Centre est à droite. Raymond BARRE, lui-même, rappelait dans le JDD dimanche dernier que « quand on appartient au Centre, il ne faut jamais rompre avec sa majorité. Si l’on refuse l’alliance, on prend le risque de l’isolement ». Nous sommes quelques uns à nous interroger sur l’avenir d’un Centre qui double la gauche par la gauche !
(...) Il y a bien sûr quelque chose de sympathique dans cette démarche ; il y a un courage évident à vouloir bouleverser les lignes, à s’efforcer de créer une dynamique nouvelle, contraire à la logique institutionnelle de la Ve République. C’est un dessein éminemment respectable que de vouloir « renverser la table » comme l’on dit. Et nous aurions tous tort de railler cette démarche, d’insulter les hommes qui la portent et qui, demain, nous rejoindront.
Simplement, elle me paraît vouée à l’échec parce qu’il n’y assurément pas une majorité de Français pour la soutenir et qu’il n’y a pas une majorité de responsables politiques qui y soient sensibles, prêts à y prendre part. Imaginons un seul instant qu’une telle démarche soit plébiscitée par les Français. Comment concrètement, la mettre en œuvre au gouvernement ? Avec qui ? Avec quelle Majorité à l’Assemblée nationale ? Cette démarche est intellectuellement satisfaisante. Elle est pratiquement inefficace."

La question que l'on peut se poser, c'est de savoir si Bayrou pense réellement ce qu'il dit - et corollairement de se demander si l'UDF peut survivre à cette transformation radicale- ou bien s'il ne s'agit que d'une posture électoraliste.

L'analyse des discours de Bayrou depuis deux ans montrent une certaine constance de pensée, et une montée en puissance dans la direction de "l'union des compétences". Sa sympathie envers Jacques Delors et Michel Rocard est connue de longue date, mais ce sont surtout ses dernières déclarations sur l'éventuelle nomination d'un premier ministre socialiste, s'il était élu, qui montrent le virage à gauche entrepris par le Béarnais.

Mais plus qu'un virage à gauche, il s'agit en réalité d'un véritable recentrage. Non pas "par la gauche de la gauche" comme le prétend Santini, mais au véritable centre. Il est normal dans ces conditions que les membres "ancienne formule" de l'UDF se sentent spoliés par ce qu'ils qualifient de hold-up, et quittent le nouveau navire centriste. Il est tout aussi logique que des citoyens de centre-gauche se sentent séduits par cette nouvelle proposition, eux qui ne se reconnaissent pas forcément dans la gauche profondément socialiste mais adaptée aux réalités du marché mondial que tente d'incarner une Ségolène Royal dans un grand écart inconfortable.

On peut donc raisonnablement imaginer que s'il ne parvient pas au second tour, François Bayrou ne donnera pas de consignes de vote en faveur Nicolas Sarkozy, qu'il critique autant que Ségolène Royal. Mais s'il ne parvient pas au second tour, c'est qu'il aura échoué dans son coup de poker politique. Le nouvel UDF de centre absolu auquel il a rêvé sera alors évaporé, de la même manière que sa propre carrière politique.
En revanche, s'il appelle à voter Sarkozy, il perdra toute crédibilité vis-a-vis des électeurs qui auraient une sensibilité à gauche. Pour la même raison, inversée, il ne peut pas appeler à voter Royal. Sa positiion est donc courageuse mais très risquée, car un échec à ces élections signifie pour lui une mort politique assurée.

La question que pose Santini est pleine de sens : un centre dépourvu d'alliances politiques peut-il gouverner ? Les anciens partenaires de droite seront-ils de nouveaux ennemis, ou préféreront-ils coopérer ? Nous le disions précédemment, c'est quasiment un choix de société: faut-il, en 2007, être résolument de gauche ou de droite, est-ce que cela a encore un sens ? Le postulat de Bayrou, c'est le même que celui de Giscard qui avait déclaré en 1974 "vous n'avez pas le monopole du coeur", c'est à dire un centre épris à la fois de réalisme économique et de jsutice sociale.

Il est vrai que c'est ce dont le pays aurait besoin. Pour caricaturer, les patrons et les ouvriers n'ont pas nécessairement vocation a être dressés les uns contre les autres. Mais en même temps; lorsqu'on est ouvrier, on aimerait bien être patron. Ou gagner plus en travaillant moins. Et quand on est patron, on aime bien que les ouvriers travaillent et se taisent, surtout si on les considère justement rémunérés. C'est humain. Cet antagonisme de classe, on voit mal comment il pourrait disparaître.

Qu'il est difficile de trouver l'équilibre dans une société humaine !

Finalement, ce que propose Bayrou, c'est tout simplement une révolution, parce que la France est depuis plusieurs siècles clivée en deux blocs politiques distincts et inaliénables. Mais en même temps, nombre de citoyens sont un peu des deux. Qui peut, en effet, prétendre que la Sécurité Sociale pour tous est une ineptie, qui peut dire que les pauvres doivent rester pauvres et que le spectacle de la misère a quelque chose de rassurant ? A part quelques fous, personne. D'un autre côté, nous avons tous envie de confort, de salaires convenables, de vacances symapthiques. Bref, nous sommes tous un peu de droite un peu de gauche.

Et si Bayrou, finalement, ne faisait que refléter la réalité du peuple français, qui n'est pas si coupé en deux que cela ? Et si ce clivage politique évoqué plus haut n'était qu'une illusion, entretenue par les hommes politiques afin de justifier leur gagne pain ? Car, qu'on y songe un instant : si tout le monde se mettait d'accord facilement, si les lois n'étaient pas discutées pendant des semaines entières, il suffirait d'un plus petit nombre d'hommes politiques pour faire tourner le pays. Les médiocres y perdraient beaucoup. On sait qu'ils sont légion.

Mais il me semble que je m'enflamme peut-être un peu. Tout cela n'est sans doute qu'illusion, comme l'a dit le brave Santini.

27.2.07

Bayrou et la quatrième république


Nicolas Sarkozy l’a dit, le programme de François Bayrou aurait pour conséquence le retour à l’impuissance qu’a connu la quatrième république. La phrase exacte, citée par l’agence Reuters, indique que "ce que propose François Bayrou (...) on l'a parfaitement connu en France. C'est la IVe République. On met un peu de gauche et un peu de droite. Cela conduit à quoi : A l'impuissance".

Cette idée, je l’ai retrouvée ce week-end chez des amis plutôt conservateurs, qui ont connu la IVème république et se souviennent des errements auxquels elle avait conduit.

Qu’en est-il vraiment ? Une petite enquête était nécessaire pour déterminer ce que cette comparaison avait de judicieux. On verra que les conclusions sont différentes de celles du candidat de l'UMP.

La quatrième république a été constituée au sortir de la seconde guerre mondiale, en 1947. Elle dure jusqu’en 1959 et se caractérise par une grande instabilité politique : en douze ans, plus de vingt gouvernement se sont succédés. Les institutions politiques sont calquées sur celles de la IIIème république, mais un effort est fait pour donner plus d’autorité au président du conseil, le premier ministre d’alors. Pourtant, rien ne fonctionne comme prévu et l’assemblée nationale ne cesse de mettre des bâtons dans les roues du gouvernement : très vite, c’est le retour aux méthodes de la IIIème république, durant laquelle le Sénat avait réussi à renverser cinq gouvernements en refusant de voter leurs réformes.

Pourquoi une telle instabilité ? Parmi d'autres, Eric Ranguin, professeur d’histoire-géo, l’explique fort bien sur son site : « La Constitution soumet le pouvoir exécutif au pouvoir législatif. L’Assemblée nationale investit le chef du gouvernement. Dès le début, le Président du Conseil prend l’habitude de répartir les ministères entre les partis de gouvernement, à charge pour eux de désigner les ministres qui leur correspondent. (…) On a une multitude de partis politiques et aucun n’est suffisamment puissant pour détenir la majorité absolue à l’Assemblée. Il ne peut donc y avoir que des gouvernements de coalition. Or le soutien ou le refus de soutien à un gouvernement n’est pas décidé par le ministre participant au gouvernement mais par son parti. Ainsi, en 12 années de IVème République, 22 gouvernements se succèdent rendant le régime très instable. Cette instabilité repose sur l’hétérogénéité des partis politiques. Les majorités nécessaires pour former et faire durer un gouvernement sont toujours très difficiles à trouver et éphémères. Si une majorité se dégage sur un problème particulier, celle-ci peut changer si le problème varie à son tour. Si les problèmes s’accumulent, la "valse des ministères" n’en est que plus grande. »

L’auteur conclut que « Ce régime mal aimé, rappelant trop la IIIème République, a souffert de l’opposition irréductible des communistes, des gaullistes puis des poujadistes. Cette opposition puissante, combinée au morcellement des partis, a empêché la stabilisation de véritables majorités, soit à droite, soit à gauche qui permettent d’effectuer des choix efficaces, en particulier pour décoloniser. »

Précisons toutefois que l’époque de la IVème république a été particulièrement difficile : la guerre venait de finir, la guerre froide commençait et avec elle l’alliance atlantique, le parti communiste était une force politique d’importance, la décolonisation était un enjeu majeur qui aboutit à la guerre d’Algérie, tandis que les prémisses de l’Europe se mettaient en place. Une période délicate et troublée.

L’observateur attentif que vous êtes, ami lecteur, ne manque toutefois pas de voir que l’origine de l’échec de la IVème république réside dans les dissensions entre partis, que le mode de fonctionnement des institutions n’ont fait qu’amplifier.

Un tel schéma peut-il se reproduire ? Dans la solution préconisée par François Bayrou, le gouvernement serait constitué de personnalités de tous les bords. Il resterait soumis à l’autorité du chef du gouvernement, désigné par le président de la République. A priori, on peut penser que cela n’induirait pas d’instabilité gouvernementale, contrairement à la IVème république ou le gouvernement et le président de la république étaient élus par les députés.

Reste à savoir si la solution de Bayrou serait viable face à l’assemblée. Les députés, quel que soient leur bord, seraient-il prêts à voter pour une loi s'ils la considèrent comme la meilleure pour le pays ? Autrement dit, Bayrou peut-il gouverner s’il ne dispose pas de la majorité absolue à l’assemblée ? Et peut-il disposer de la majorité ? Ou même simplement bénéficier de l'adhésion des partis politiques en place ?

Il est vrai que contrairement à l’époque de la IVème république, les partis politiques ne sont plus les seuls moteurs de la démocratie, et que le paysage politique lui-même est modifié, puisqu’il n’y a pas la multitude de partis que l’on connaissait alors.

C’est donc toute la question de la structure politique du pays qui est ici en question. Si l'assemblée nationale accepte de voter des lois pour le bien du pays, en dehors de questions partisanes, l'idée de Bayrou peut fonctionner; et même très bien fonctionner. Mais si chacun persiste à vouloir défendre son point de vue particulier, voire partisan, au détriment de l'intérêt général, la solution Bayrou restera une pure utopie.

A moins que les élections législatives ne permettent au pays de donner à l'UDF une nouvelle envergure, en le transformant en premier parti politique du pays, composé d'hommes de gauche et de droite.

Une utopie ?




20.2.07

Et si Le Pen n'était pas candidat ?


On apprend que Jean-Marie Le Pen pourrait ne pas figurer au premier tour de la présidentielle, faute de parrainages. Il lui manquerait entre 10 et 30 signatures d'élus.

Si c'est le cas, serait-ce un problème ?

Le patron du FN prétend que la publication des noms des parrains lui porte tort. Il préfèrerait peut-être la politique en sous-main, celle de l'ombre. Je ne suis pas d'accord. Le débat démocratique doit être ouvert et transparent.

Non, si d'aventure le FN n'était pas présent à ces élections, ce serait à cause de ses propres positions. En marketing, lorsqu'un produit ne trouve pas sa clientèle, c'est qu'il ne correspond pas à un besoin ou qu'il n'a pas su créer de besoin. Il est alors modifié ou retiré du marché. Cela vaut pour JM Le Pen.

Une éventuelle absence serait-elle un handicap pour la démocratie ? Non encore, car si un candidat ne rassemble pas les signatures nécessaires, c'est qu'il n'est pas suffisamment représentatif de la population, et qu'il n'a pas su véhiculer son message politique.

Si Le Pen était dans l'impossibilité de se présenter, il y aura force débats. Pourtant, tant que Besancenot et Laguiller arriveront à se présenter, on peut être tranquille : la démocratie est bien vivante dans ce pays.

No future

Amusante, l'idée du site fr.newsfutures.com qui se pose comme une "bourse des news du futur" selon des règles dérivées du marché boursier. On peut y faire des paris (gratuitement, en monnaie virtuelle) sur le ou les candidats de son choix.

Voici par exemple la cote de popularité de Ségolène Royal.

Votons


Parmi la myriade de sites politiques créés à l'occasion de ces élections - parmi lesquels celui-ci-, on peut noter le site www.votons.info qui tente de présenter de façon synthétique le programme de chacun des candidats, y compris les candidats minoritaires.

On y trouvera même un comparateur de programme, un peu comme sur les sites marchands ou vous pouvez comparer deux écrans plats. L'idée est amusante, l'utilisation très instructive. On peut ainsi comparer l'impressionnante vacuité du programme (ou plutôt non-programme) de Besancenot, qui imagine un véritable pays de Cocagne dans lequel l'argent pousse sur les arbres et tout le monde il est gentil, avec celui de Le Pen, programme fleuve totalement inapplicable dont chaque proposition enfonceraitplus profondément la France dans un isolationnisme malsain et rétrograde. Et bien sûr, les programmes des candidats plus sérieux.

Le site votons.info aurait été créé par "trois étudiants passionnés de politique", parmi lesquels un certain Pierre Valade, dont on retrouve la trace sur un blog de l'université de la Sorbonne. Pas de sous-marin ou de parti qui tire les ficelles en arrière-plan, d'autant que les sources des informations sont systématiquement citées. On peut donc y aller.

Haro sur le baudet


Les sondages publiés le 19 février l'attestent, François Bayrou monte à 16% d'intentions de vote au premier tour. Mais surtout, il gagnerait au second tour contre Ségolène Royal (54% contre 46%) et contre Nicolas Sarkozy (52% contre 48%).

Le béarnais inquiétait quelque peu les états-major des deux partis leaders, il les menace désormais franchement, d'autant plus qu'un grand nombre d'électeurs n'ont pas fait leur choix.

Pour éviter tout incident, il y a fort à parier que le PS comme l'UMP vont procéder, dans les jours prochains, à une démolition au marteau-piqueur du discours du candidat centriste, passé trop vite du stade de troisième homme à celui d'homme à abattre. Comme le résume le socialiste Claude Bartolone au journal Libération, "Bayrou ne peut pas être le porte-parole des espérances de la gauche".

L'avantage de cette démolition, c'est qu'elle permettra de voir ce qui résiste, ce qui tient debout dans les idées de l'UDF. Car la comparaison permanente avec l'Allemagne n'est pas toujours réaliste, et son idée de rassembler les énergies d'où qu'elles viennent n'est pas sans difficultés.

C'est une phase importante qui se prépare, entièrement au bénéfice de ces élections et de la France. Soit Bayrou montre qu'il tient le coup, qu'il fait face. Du coup, son programme gagne en crédibilité et il perd son image d'homme tiède, change de stature et améliore ses chances de remporter l'élection. Soit il explose en plein vol avec des idées trop facilement détruites par ses ennemis, et il ne lui restera plus qu'une poignée d'électeurs, puisque ceux qui étaient tentés retourneront vers le parti le plus proche de leurs convictions. Le face-à-face Sarkozy-Royal tant attendu pourra alors se dérouler sans anicroches.

C'est donc un véritable tournant de la campagne qui va se jouer au cours des quinze prochains jours.

15.2.07

L'éponge s'enfuit


Amusante, la démission d'Eric Besson de son poste au Parti Socialiste pour, dit-on, des divergences avec François Hollande. Autre explication avancée par l'un de des proches, le député de la Drôme (que nous évoquions dans un billet sur le budget) n'aurait en réalité pas apprécié que l'on traite son travail par dessus la jambe, lui qui a passé des nuits blanches à faire le grand écart pour donner un certain réalisme budgétaire aux propositions de Ségolène Royal.

L'ex-futur minustre des finances de Ségolène Royal jette donc l'éponge. Il s'était notamment illustré le 25 septembre dernier dans une conférence de presse intitulée "5 années de perdues pour la France", dont on peut télécharger l'intégralité au format MS Word, et qui soulignait l'inquiétante dérive du déficit public.

On comprend donc mieux le désarroi de cet homme obligé de jongler avec des chiffres pour valoriser un projet présidentiel qui va a l'encontre de ses convictions économiques.

14.2.07

Sondage instantané


Petit dîner entre amis, l’autre soir. La discussion porte, évidemment, sur la politique et j’écoute avec intérêt les arguments des uns et des autres.

Albert, 55 ans, chef d’une PME prospère, me confie qu’il votera Sarkozy. « J’ai été de ceux qui ont fait élire Mitterrand en 81. J’avais vingt ans, ça me paraissait normal. Mais cette fois-ci, Sarkozy est le seul a présenter un programme réaliste. Ségolène Royal n’a pas de projet sérieux, c’est de la poudre aux yeux ». Sa femme Géraldine votera comme lui : « Sarko, il est bon. Je l’ai vu à la télé, franchement il assure ».

Danièle, 40 ans, assistante sociale, votera Ségolène, parce qu’elle ne peut pas voter pour Sarkozy. C’est comme ça, c’est génétique. Lorsque je lui demande si elle a étudié les propositions des uns et des autres, elle répond qu’elle en a vaguement entendu parler mais que c’est surtout une question de personne et d’orientation politique. Idem pour Cécile, 42 ans.

Son compagnon, René, 48 ans, dirige un organisme social local. Il affiche une certaine conscience politique, s’informe sur le net et suit de nombreux reportages à la télé. « Bayrou n’est pas mal, mais il est un peu tiède. Et puis, l’UDF c’est la droite malgré tout, même s’il s’est gauchisé. Sarkozy, il a quand même dit des choses énormes. Ségolène Royal, pour l’intant elle n’a pas été très convaincante, mais attendons de voir ». Bref, il ne sait pas encore quel choix faire, mais son cœur penche à gauche et se garde une possibilité pour Bayrou.

Jacques, 48 ans, informaticien, me surprend. Il a toujours voté à gauche. C’est un type « cool » qui fume des pétards et a longtemps travaillé à mi-temps, plus attiré par la qualité de la vie que par la réussite financière. Il me parle « business », m’explique que la France doit se relever, qu’il faut que les entreprises tournent, et que ce n’est pas avec un programme socialiste et électoraliste qu’on y arrivera. Il votera Sarkozy. Je lui demande s’il a étudié le programme des candidats. Non, pas vraiment, mais il sait que c’est grâce à Sarkozy qu’il a pu s’acheter son appartement, grâce à la loi qui débloquait l’épargne salariale. Une forme de reconnaissance du ventre, donc.

Jonathan, 18 ans, en prépa Sciences Po. Il vote à gauche. A-t-il étudié les programmes des uns et des autres ? Non, enfin un peu quand même, mais pas trop. Inutile, puisque de toutes façons il vote à gauche.

Je retire plusieurs enseignements de ce petit sondage : d’abord, que Sarkozy a séduit trois anciens électeurs de gauche, une séduction d’autant plus facile qu’ils se situent dans des tranches d’âge ou l’on a tendance à vouloir protéger ses acquis.

Trois personnes voteront Ségolène, parce qu’elles ont le vote socialiste au cœur et qu’elles abhorrent Sarkozy l’ultra-libéral qui karchérise les cités. Elles n’ont aucune idée du programme des uns et des autres, pas plus que Jacques l’informaticien ni Géraldine. Autrement dit, sur 7 personnes, seulement 2 ( soit 28%) ont vaguement étudié le programme : les 5 autres voteront véritablement à la tête du client, ou par fidélité organique.

Toute la politique moderne se trouve résumée là. Fi des idées, des propositions. Le look compte plus.

Comme dit le proverbe, « ce sont les tonneaux creux qui font le plus de bruit ».

13.2.07

Budget et propagande


La question de la dette publique agite commentateurs et hommes politiques. François Bayrou a fait du désendettement un axe prioritaire, Nicolas Sarkozy critique l’incurie budgétaire des cent propositions de Ségolène Royal tandis que celle-ci lui répond, par la voix d’Eric Besson(1) que "la somme provisoire des engagements de Nicolas Sarkozy fait apparaître un solde de dépenses nettes de plus de 77 milliards » et que « Les socialistes n'ont guère de leçons de gestion à recevoir d'une majorité qui aura à la fois accru le poids de la dette de 300 milliards d'euros(…) ».

Quelle est la réalité ?

Parlons d’abord de la composition de la dette publique elle-même. Elle se compose d’une dette dite « négociable », c’est-à-dire d’emprunts sur les marchés financiers, et d’une dette « non négociable » souscrite auprès des organismes de la nation (collectivités territoriales, établissements publics).

La dette négociable est composée d’emprunts à court terme (les BTF, d’une durée moyenne de 111 jours) qui servent à combler les trous budgétaires, d’emprunts à moyen terme (les BTAN, d’une durée moyenne de 1 an et 1 mois) et d’emprunts à long terme (les OAT, dont la durée peut aller jusqu’à 50 ans, mais avec une durée moyenne de 7 ans et 45 jours au 31/12/2006). En fonction de la structure de l’emprunt, les taux peuvent être fixes ou variables. Au 31 décembre 2006, l’encours de la dette négociable de l’Etat s’élevait à 876,6 milliards d’euros en valeur nominale. Selon l’agence France Trésor, qui gère la dette de l’état, les porteurs sont à près de 60% étrangers, une proportion en augmentation constante (54.3% en 2005) ce qui ne pose pas de problème particulier : cela signifie simplement que les investisseurs étrangers ont confiance dans la capacité de la France à rembourser sa dette.

De son côté, la dette non négociable s’élevait à fin 2005 à 42 milliards d’euros, environ vingt fois moins que la dette négociable.

Il ne faut pas confondre la dette publique avec la dette extérieure (qui est un indicateur économique reprenant les dettes publiques et privées envers l’étranger), ni avec la dette de l’Etat (qui se définit simplement comme l’ensemble des emprunts effectués par l’État)

Puisqu’il s’agit d’une grandeur financière, la dette publique est soumise aux contraintes des marchés financiers. Elle évolue donc en fonction des taux d’intérêt ( le récent emprunt sur 50 ans à 4% est de ce point de vue une bonne affaire, alors que les emprunts des années 90 étaient beaucoup plus chers), mais aussi en fonction de la santé économique du pays. En effet, si l’activité économique décline et que le chômage augmente, les recettes diminueront tandis que les dépenses augmenteront, ce qui creusera un trou dans le budget qui ne pourra être financé que par l’emprunt, donc par la dette.

Cela étant, un état ne fonctionne pas comme un particulier : il y a une notion de pérennité morale, ou de continuité de l’Etat qui fait que ce dernier peut-être endetté ad vitam sans inquiéter ses débiteurs. Et donc sans que cela ne perturbe trop son économie. C’est d’ailleurs pour cela qu’il est inexact de dire que « chaque Français doit 18 000 euros » : à quel moment ?

Plutôt qu’une valeur absolue, il faut donc considérer le rapport entre la dette et le produit intérieur brut, c'est-à-dire la richesse produite par la nation. C’est l’équivalent, pour un état, du ratio d’endettement que les banques calculent pour les ménages, bien qu’il faille se méfier de toute comparaison entre la dette de l’Etat et celle des particuliers. Pour la France, à fin 2005 ce ratio était de 66,8% , soit un peu moins que l’Allemagne (67,7%) et à peine plus que les USA (63,8%), mais beaucoup plus que l’Angleterre (42,8%). Un graphique sur le site de France Trésor montre la correspondance entre déficit et dette en France entre 1978 et 2005. On y constate que le déficit augmente fortement entre 1981 et 1986 (sous les gouvernements socialistes de Pierre Mauroy puis Laurent Fabius.) Il régresse en 1986 (Chirac est premier ministre) puis remonte lentement jusqu’en 1991 (les chefs de gouvernement sont alors, successivement, Michel Rocard puis Edith Cresson). En 1992, forte progression de la dépense (Bérégovoy premier ministre), idem à partir de 1993 (gouvernement Balladur). En 1995, sous la direction d’Alain Juppé puis de Lionel Jospin, la dépense se calme un peu avant de remonter à nouveau de 2002 à 2005 (gouvernement Raffarin). Bref, si les socialistes semblent avoir une prédilection pour l’emprunt, ce n’est pas leur seul apanage.

En effet, le déficit budgétaire financé par l’emprunt, a longtemps été considéré comme un puissant levier économique pour revenir à la prospérité. Cette vision a été largement écornée depuis les travaux de Keynes, mais le problème c’est que pour réduire le déficit, l’Etat doit dépenser moins. Or la majorité de ses dépenses sont des dépenses de salaires (enseignement, police, armée, administration) jugées indispensables par tous les citoyens. Pour des raisons politiques évidentes, les dirigeants n’osent pas prendre le risque de réduire le déficit (il se chiffrait à fin 2006 à 36,16 milliards d’euros, pour un budget général de 266 milliards d’euros).

La seule manière de réduire le déficit, c’est donc de dépenser mieux, d’optimiser les ressources pour arriver à rendre plus de services à la collectivité avec des moyens identiques, ou moins de services avec des moyens plus faibles. C’est bien là que le bât blesse : dans les propositions mirifiques de certains candidats, on trouve beaucoup de moyens de dépenser de l’argent, mais pas beaucoup de moyens d’en économiser. Pourtant, l’état devrait se gérer comme une association à but non lucratif, type ONG, qui se doit d’équilibrer son budget à la fin de l’année.

Car les emprunts d’aujourd’hui sont les impôts de demain, et même si certains investissements de l’Etat profiteront à nos enfants, il n’en va pas de même pour tout. L’Etat doit donc apprendre à diminuer son train de vie en gérant mieux, plus intelligemment, et en appliquant des règles de productivité qui ne sont pas capitalistes, loin s’en faut : dans les kolkhozes soviétiques, tous les camarades partageaient également le labeur pour la richesse commune. Il est clair que les avantage acquis de telle ou telle corporation vont à l’encontre de l’intérêt général, de la même manière qu’augmenter inconsidérément les dépenses publiques serait le plus sûr moyen d’hypothéquer l’avenir.

En 2007, l’Etat devra financer un déficit budgétaire prévisionnel de 42 milliards d’euros et assurer le remboursement de 71,3 milliards d’euros de dette à moyen et long terme venant à échéance. Son besoin de financement est donc de 113,3 milliards d’euros.

Tout nouvelle mesure sociale qui ne serait pas contrebalancée par une économie budgétaire,ou par des recettes nouvelles (par exemple l’impôt) viendra alourdir ce montant.


(1) secrétaire national du PS, chargé des questions économiques

12.2.07

Lecture familiale

Vibrant article de Nicolas Domenech à l'égard de Ségolène Royal et ses 100 propositions, sur Marianne dont il est le directeur adjoint de la rédaction. Un papier qui donne un point de vue personnel et sensible sur l'allocution de la candidate socialiste pour annoncer son programme.

C'est un choix rédactionnel, celui que tout journaliste peut exercer.
Mais l'ami Domenech tourne sa plume en ridicule, lorsqu'il s'embarque dans une métaphore allégorique sur la famille. Citons :

"Nous avons une mère de famille qui veut nous protéger et nous accompagner au travail, gentiment mais fermement, avec amour et taloches, ce qui peut agacer. Nous avons un jeune frère faraud, plein de feu et d'énergie, Sarkozy, qui aspire à la gravité, mais veut nous secouer, nous bouger et nous mettre au travail, même quand on en a pas, ce qui énerve. Nous avons un cousin de province, François Bayrou, plein d'usage et de raisons qui, du haut de son tracteur nous encourage à nous rassembler et à arrêter de faire les fous, en dépensant tant d'argent que nous n'avons pas. Enfin, nous avons un grand-père Jean-Marie Le Pen qui remâche la nostalgie de la France d'avant, du temps où elle était une grande puissance et où les enfants et les étrangers ne se seraient pas permis de se montrer si insolents. Voilà, nous sommes orphelins de père, et plus particulièrement depuis que Chirac nous a fait savoir son départ dimanche. Et comme en 1974, après la mort de Pompidou, l'avenir appartient à celui ou à celle qui incarnera le changement dans la continuité. Ce qui implique, tel Giscard autrefois, plus qu'autrefois, un mélange subtil de masculin et de féminin. Vingt-trois ans plus tard, l'inverse peut-il être vrai ?"

Après le pamphlet et la libelle, Domenech inaugure là un nouveau genre littéraire, le roman politique pour midinettes. Barbara Cartland sur les terres de Montesquieu, dans un style qui évoque la prose de calendrier des Postes pré-1940.

Quel diable lui a pris ?

10.2.07

Lire la politique moderne grâce au passé


L'ancien premier ministre Raymond Barre vient de sortir chez Fayard un livre d'entretiens avec Jean Bothorel intitulé "L'expérience du pouvoir". Grande nouvelle, me direz-vous peut-être en ricanant. Erreur. Barre a probablement été l'un des plus grands hommes politiques que la France ait connu au vingtième siècle, parce qu'il a été exclusivement homme d'Etat et aucunement politicien.

Cette différence entre l"homme civil et l'homme politique qui touche à la schizophrénie, il l'explique brièvement dans une interview accordée à Christine Kerdellant de l'Express dans laquelle il décrit sans aménité mais sans rancoeur les trois principaux politiciens qu'il a connus : Giscard, Mitterrand et Chirac.

Cet entretien donne des clefs pour comprendre la personnalité des politiciens en général, et de Nicolas Sarkozy en particulier dans ce qu'il a de commun avec Jacque Chirac.

Extraits:

J'ai toujours été frappé, moi qui ai longuement observé ce milieu sans jamais être membre d'un parti, de l'écart qui existe systématiquement entre l' «homme polititique» et l' «homme civil». Cet écart est particulièrement important chez Jacques Chirac. Dans le privé, il a ce côté généreux, dévoué, désireux de rendre service, qui le rend profondément sympathique aux yeux des Français. Sympathique, c'est d'ailleurs le mot que j'ai entendu le plus souvent à son propos. Cet homme-là, je l'apprécie. Mais l'être humain doit opérer une mutation pour devenir un professionnel de la politique.

Et «l'autre» Chirac, donc?

C'est une bête politique. Je ne lui reconnais pas la moindre conviction, sauf l'obsession du pouvoir. Cela est un fait, et non un jugement de valeur : il adapte en permanence ses convictions aux situations. Il a trahi Chaban pour Giscard, il a fondé le RPR pour se débarrasser des barons du gaullisme et tuer Giscard. Il a accepté de cohabiter avec Mitterrand pour prendre Matignon et pouvoir gagner l'Elysée. Aujourd'hui encore, je ne suis pas sûr qu'il ait renoncé à se présenter. Si les circonstances lui semblent favorables, il peut décider d'y aller... Il est encore capable de surprendre!

Sur Giscard :

Giscard, c'était Narcisse homme d'Etat. Là encore, l'homme «civil» a joué des tours à l'homme politique. Lorsqu'il s'agissait de traiter les affaires de la France, c'était vraiment un personnage de premier plan, et je suis convaincu que l'Histoire reconnaîtra que son septennat a été le plus fructueux de la Ve République. Il était d'une intelligence exceptionnelle, et c'était un félin, il l'a bien montré. Mais, quand il s'agissait de lui-même, il était trop attentif à son image ou aux sentiments qu'on avait pour lui.

Sur Miterrand :

Mitterrand avait gardé, paraît-il, un mauvais souvenir de notre face-à-face télévisé de 1977. De mon côté, je le considérais comme un aventurier - je dis dans mon livre: une sorte de Lawrence d'Arabie. Comment aurait-il pu, sinon, se sortir de toutes les situations difficiles qui avaient jalonné son parcours?

J'ai toujours été admiratif de l'intelligence lumineuse de Raymond Barre, à la fois intellectuel (il fut un théoricien de l'économie fort apprécié) et homme d'action, comme a pu l'être Michel Rocard à gauche. Il était surtout dépourvu de cette obssession de l'ambition et du pouvoir que l'on retrouve chez François Hollande, Nicolas Sarkozy, et bien d'autres politiques. Mais ces deux êtres manquaient furieusement de sens politique. Dommage pour la France, qui a besoin d'être séduite par ses leaders.

9.2.07

Y-a-t-il une gauche ?


Impossible de résister au plaisir de vous livrer quelques extraits de la "Lettre ouverte à Lutte ouvrière, à la Ligue communiste révolutionnaire et au Parti des travailleurs" adressée par le Comité International de la Quatrième Internationale sur son site World Socialist Web Site en avril 2002, entre les deux tours de la présidentielle.

" (...) Il faut que ces nouvelles forces apprennent des enseignements politiques importants. Il leur faut apprendre à ne pas se laisser duper par les mensonges de l'establishment politique bourgeois - la droite gouvernementale et la gauche gouvernementale, ainsi que les médias - qui affirment que voter pour Chirac représente la défense de la démocratie, le salut de l'« honneur » de la France, la création d'« un front antifasciste », et ainsi de suite.(...) Pour lutter contre Le Pen, nous devons correctement diagnostiquer la cause de la maladie politique dont il est le symptôme. La cause du malaise actuel est qu'il n'y a pas d'alternative socialiste aux politiques capitalistes.

Le Pen a profité politiquement et idéologiquement de l'abandon de la classe ouvrière et de ses intérêts par les partis qui déclaraient la représenter. Comme Jospin l'a admis lors de sa campagne, son parti peut porter le nom de « socialiste », mais son programme n'est « pas socialiste ». Le Parti socialiste cherche à administrer, au nom des capitalistes, un État-providence qui n'offre plus de protection sociale, et qui, au contraire, réduit continuellement le niveau de vie et les conditions sociales des ouvriers. Le gouvernement Jospin a pris sur ses épaules d'imposer tous les sacrifices en terme d'emplois et de programmes sociaux qui étaient nécessaires pour établir le système monétaire européen et lancer l'euro.

Quant au Parti communiste, il est depuis des décennies le principal pilier du capitalisme français au sein de la classe ouvrière. Dans la période récente, c'est l'organisation stalinienne qui porte principalement la responsabilité de l'introduction au sein de la classe ouvrière du poison qu'est le chauvinisme anti-immigré. (...)

Ce sont les mêmes excuses qui furent utilisées pour justifier la formation du Front populaire en France en 1936, qui était une alliance du Parti socialiste, du Parti communiste et du Parti radical bourgeois. Le gouvernement du Front populaire, arrivé au pouvoir grâce à l'appui de la classe ouvrière, a fait des pieds et des mains pour désamorcer le mouvement révolutionnaire, qui a pris la forme d'une grève générale massive, et pour sauver le capitalisme français. Une fois le travail accompli, à savoir de retenir, de trahir et de démoraliser la classe ouvrière, il a donné le pouvoir à la droite, ce qui a ouvert la voie à l'effondrement de 1940 et à l'établissement du régime pro-fasciste de Vichy. (...)

Ce qu'il faut retenir du dernier quart de siècle, c'est qu'il est impératif de combattre l'influence politique réactionnaire d'organisations vieillies, dépassées, fossilisées et qui autrefois parlaient au nom de la classe ouvrière. Aujourd'hui ces organisations ne sont plus que des coquilles vides, ne survivant que grâce à une bureaucratie intéressée et grâce aux subsides de l'État.

L'évolution de Jospin lui-même démontre bien les conséquences pernicieuses de décennies d'adaptation à ces vieilles organisations. Il offre l'exemple classique de celui qui a voulu utiliser les principes politiques et la réputation historique de Léon Trotski pour couvrir son opportunisme. Sa carrière politique s'est terminée par une démission honteuse, en abandonnant littéralement ses responsabilités politiques au moment même où les plus graves dangers menacent la classe ouvrière. (...)

Il y en a qui ne mâchent pas leurs mots.


C'est absurde mais...


...parfois on ne peut pas résister, comme au bon vieux temps, à l'idée de demander à Google de servir d'oracle.
Allez. Posons lui quelques requêtes :

- la recherche "Sarkozy président" retourne environ 2.3 millions de pages.
- "Royal présidente" retourne 1.4 millions de pages.
- "Bayrou président" retourne 1,36 millions de pages.

En popularité sur le simple patronyme :
"Nicolas Sarkozy" fait 3.39 millions de pages.
"Ségolène Royal" fait 2,74 millions de pages.
"François Bayrou" fait 1,47 millions de pages.

On peut donc en conclure que 67,8 % des sites web interrogés estiment que Sarkozy a la carrure d'un président -puisque les deux termes se retrouvent- contre 51% pour Ségolène, et 92,5% pour Bayrou.

Stupéfiant, non ?

Il faut toutefois préciser que la recherche précise de "Sarkozy+président" que retourne que 112 000 pages, contre 39 400 pour Ségolène Royal et 67 800 pour Bayrou. Et 66 400 pour Le Pen !

Nous pouvons l'annoncer : à ce jour, Google prévoit un second tour Sarkozy-Bayrou.
Qui sera le vainqueur de ce duel insoutenable ?

La recherche "sarkozy bayrou" retourne 1 730 000 pages.
La recherche "bayrou sarkozy" retourne 1 750 000 pages.

François Bayrou sera donc le futur Président de la République. C'est sur google, donc c'est officiel.

Espérons qu'il ne mettra pas Julien Dray ministre de l'intérieur.

Un blog utile

Apprécierez-vous, vous aussi, le ton désinvolte et presque baudelairien de vote (in)utile, un blog pas comme les autres qui tente de sentir l'air du temps, à sa façon ? Essayez-voir. Il y en a pour tous les goûts et l'on découvre, au fil de certains billets, de vraies informations, et quelques opinions personnelles. Deux must :
- Sarkozy au mont Saint-Michel délivre quelques phrases puissantes et bien senties.
- Le blues d'un militant de l'UMP ou l'abus de SMS peut nuire à la santé politique.

Dont acte.

Le très approximatif François Hollande


L'on va finir par croire ce blog anti-socialiste, comme le montre un commentaire peu amène d'un lecteur. Il n'en est rien. Peut-être, tout simplement, que "qui aime bien châtie bien". Peut-être aussi que décidément les airs supérieurs des leaders socialistes actuels n'arrivent pas à masquer leur médiocrité. Et finalement, un Montebourg qui glose sur Hollande, aurait-il peut-être été un contradicteur plus efficace de Nicolas Sarkozy que l'actuelle candidate ? C'est une autre histoire.

Pour en revenir à François Hollande, son discours à l'occasion du point presse du 6 février mérite un peu d'attention. Que dit-il, globalement ? Il attaque Sarkozy sur son passif, comme le fit Mitterrand avec Giscard (voir post ci-dessous) mais avec infiniment moins d'adresse. Dire, en effet, "(d'après Sarkozy,) l’endettement public aurait atteint un niveau record. Mais qui a été ministre dans une période depuis 2002 ? Nicolas Sarkozy l’a été " c'est considérer le budget de l'état comme une donnée discontinue. Or les dépenses publiques ont augmenté continuellement depuis les années 50, pour atteindre les sommets actuels. Cela signifie que tous les gouvernements qui se sont succédés, de droite comme de gauche, sont responsables, et pas seulement M. Sarkozy en cinq ans.

Le même raisonnement vaut pour " Il ajoutait (Sarkozy) le système éducatif serait en faillite, mais qui donc a été ministre de l’Education ? notamment M. Fillon." L'Education nationale ne va pas fort, mais cela ne date pas d'hier.

Peut-on taxer son adversaire de démagogue, quand on pratique soi-même cette discipline ? Assurément oui.

Passons maintenant aux parties amusantes de ce discours. Pour n'en citer qu'une : ce serait trop long.
"La politique de Nicolas Sarkozy est dangereuse dans sa méthode de ne pas assumer sa responsabilité de son bilan et du bilan du gouvernement. Une méthode qui dissimule la réalité de son projet, celui d’une droite dure. Sa politique est dangereuse dans son contenu, car ce n’est rien d’autre qu’une banalisation de la France, une normalisation, un abaissement de ses droits et de ses garanties."

On se perd dans ce salmigondis informe qui mélange politique ( c'est-à-dire le projet) avec le bilan (c'est-à-dire le passé) au moyen de la responsabilité non assumée, dans le but de cacher la réalité du projet. Si un gentil lecteur pouvait m'expliquer, je lui en serai reconnaissant.

Au passage, j'aimerais que M. Hollande explique ce que signifie la phrase "politique de banalisation de la France".

C'est curieux, les camarades de l'ENA de François Hollande le décrivaient comme un brillant orateur.
Il ne faut jamais croire un énarque.

Parenthèse historique


Revenons un instant sur la prestation de François Mitterrand face à Valéry Giscard d'Estaing, le 5 mai 1981, lors du débat qui opposait le président sortant UDF au chef des socialistes. C'est à cette occasion que fut prononcé ce qui allait devenir une phrase célèbre : "Vous ne voulez pas parler du passé, je comprends bien, naturellement et vous avez tendance à reprendre le refrain d'il y a 7 ans 'l'homme du passé. C'est quand même ennuyeux que dans l'intervalle vous soyez devenu l'homme du passif. Cela gêne un peu votre démonstration d'aujourd'hui."

Qu'on apprécie ou pas l'action politique de Mitterrand, on ne peut que rester béat d'admiration devant la remarquable maîtrise du premier secrétaire. Observez, sur cette vidéo de l'INA, la gestuelle, le ton et l'apparente simplicité du ton. Tout dénote le calme, la maîtrise. Le texte est parfaitement préparé, parfaitement joué. En un mot, c'est du grand art politique.

Dans ce domaine, quel abîme sépare le candidat socialiste de l'époque, de la candidate socialiste d'aujourd'hui, qui peine à lire ses discours, trébuche sur les phrases en assoupissant son auditoire de son ton monocorde !

"L'héritière de François Mitterrand" n'a peut-être pas pris encore la mesure de son rôle. Il faut peut-être attendre le mois de mai pour que la rose refleurisse.

Faute de quoi le débat sera réduit à un monologue. C'est tout de même ennuyeux pour la démocratie.

(Aparté) Notez que cette dernière phrase "C'est tout de même ennuyeux pour la démocratie", assez typique des débats actuels, ne veut strictement rien dire. Mais il faut bien sacrifier à la mode pour être lu, quitte à devoir paraphraser un ancien chef d'état.

Au royaume des chiffres, les borgnes sont rois


S’agissant des critiques envers le programme de tel ou tel candidat, il est fréquent de lire ou d’entendre qu’il ou elle fait mentir les chiffres.

Le gouvernement Villepin est accusé de manipuler les chiffres du chômage, le ministre de l’intérieur ceux des voitures brûlées la nuit de la Saint-Sylvestre, et l’UMP de mentir sur le nombre de participants à l’investiture de Sarkozy. Chiffres, plan de la salle et raisonnements très érudits à l’appui, l’affaire est entendue : la droite ment sur les chiffres. Le site de la Ligue Communiste Révolutionnaire, tout comme celui de mon éminent confrère Olivier Bonnet, donnent ainsi des preuves formelles de la turpitude statistique du grand capital.

Hélas ce travers n’est pas exclusif à la droite. L’Humanité se demandait ainsi en 1999 comment Martine Aubry avait pu mentir sur les chiffres du chômage, un bloggeur érudit dévoile ce qu’il considère comme un mensonge socialiste sur le SMIC à 1500 €, et le site de l’Assemblée Nationale nous rappelle une séance de février 2005 durant laquelle le mensonge des socialistes sur le coût des 35 heures a été amplement débattu.

Cessons ici l’énumération, et laissons de côté l’idée humoristique que si la droite manipule plus les chiffre que la gauche c’est parce que elle, au moins, elle sait compter. Il est clair que tous les partis politiques pratiquent la manipulation des chiffres. Et ils le font pour deux raisons : d’abord parce que c’est normal, ensuite parce que c’est possible.

Pourquoi est-ce normal ? Réfléchissez. Lorsque vous présentez un projet à votre supérieur, une idée à votre épouse, ne vous arrive-t-il pas parfois de présenter des chiffres dont vous savez qu’ils pourraient être critiqués, si votre interlocuteur avait connaissance du dossier ? « Monsieur le directeur, vous aurez ce projet bouclé sous quinze jours ». Mensonge, vous savez qu’il vous faudra au moins trois semaines. « Ma chérie, ce vélo de compétition ne coûte que 500 euros ». Mensonge, avec tous les accessoires nécessaires il vous en coûtera 250 euros de plus. « J’arrive à la maison vers 19 heures ». Mensonge, vous savez très bien qu’il vous faudra au moins 30 minutes de plus. Les magasins nous mentent « 1.99 € le kilo », c’est une présentation très tendancieuse. Les banques nous mentent. « taux du crédit 4.90 % » assorti de lettres en tout petit « hors assurance et frais de gestion » qui portent le taux global à 6%. Idem pour les sociétés de téléphonie mobile, qui s’entendent sur une présentation des chiffres telle qu’on ne peut pas comparer les offres de manière objective.

On voit donc bien que, pour emporter l’adhésion de la personne qui nous fait face, il nous est naturel de présenter la réalité sous un jour favorable. Cela se pratique dans tous les pays, comme le montrent simplement ce site canadien ou le premier ministre hongrois. Parmi les professions qui aiment manipuler les chiffres, on peut citer les experts-comptables, qui sont payés pour optimiser la présentation des bilans aux actionnaires ou aux investisseurs. Il y a les journalistes, bien sûr, mais aussi les médecins, qui vous parlent sans sourciller du taux de prévalence d’une maladie alors que les méthodes de comptage sont contestables. Il y a les employés, qui surestiment leur temps travaillé et sous-estiment leurs heures passées à bayer aux corneilles. Il y a les commerçants, qui se plaignent depuis Pépin le Bref que le commerce c’est plus ce que c’était. Etc.

En second lieu, on le fait parce qu’il est possible de faire mentir les chiffres. De par leur structure même, ils se prêtent à la manipulation, parce que nous ne sommes pas des machines à calculer. Si je vous dis que 158 481,44 auxquels j’ajoute 653 225,23, cela fait 751 706,67, il vous faudra réfléchir à deux fois avant de constater qu’il manque 60 000 quelque part. Si j’ajoute en plus quelques pourcentages calculés sur une base 100 que je définis à mon aise sans vous en parler, il vous sera difficile de me contrer. D’ailleurs, la sagesse populaire le sait bien, qui estime que « les chiffres on leur fait dire ce qu’on veut ». C’est encore pire lorsque l’on montre des graphiques : n’importe quel statisticien un peu malin peut déformer n’importe quoi en son contraire, grâce à quelques ruptures d’axe ou bien à une représentation graphique tout à fait inadaptée.

Curieux contraste, soit dit en passant. Chacun sait qu’on fait dire ce qu’on veut aux chiffres, mais reproche à ses adversaires de les manipuler tout en les croyant volontiers lorsqu’ils viennent du bon côté, comme le montre ce billet et les commentaires qui le suivent sur le blog Chez Nico.

Ce contraste se transforme bien vite en syllogisme, c’est ce que constate Aubusson de Cavarlay dans un billet sur le très précis site Pénombres : « Dans l’ensemble, les commentaires journalistiques, ou même ceux de certains experts, adoptent très souvent une position peu cohérente. D’un côté, ce qui est une façon un peu tendancieuse de présenter les problèmes de méthodes, les statistiques officielles sont critiquées au motif qu’elles ne décriraient pas la réalité, et de l’autre, dans le même commentaire, des variations temporelles inquiétantes, exponentielles et des chiffres parlant d’eux-mêmes en sont extraits. Le lecteur est alors invité à admettre le pseudo-syllogisme suivant : les chiffres officiels ne décrivent pas la réalité ; or les résultats officiels sont alarmants ; donc la situation réelle qu’on vous cache est catastrophique. ».

Deux poids, trois mesures.